Huguette Husté n'a jamais revu son mari, disparu le 5 juillet
1962.L'enlèvement et le massacre de centaines de Français, après le 19 mars
1962, reste un sujet tabou.
Devant le mur des disparus de Perpignan, un homme retrouve
un nom : «Font... on l'appelait Mimi, Font», se souvient-il, la voix cassée par
l'émotion. Un peu plus loin, Huguette suit du doigt une ligne... «Il est là».
Christian Husté, son mari. L'un des milliers de disparus civils de la guerre
d'Algérie, l'une des centaines de victimes du 5 juillet 1962, à Oran.
«Christian était inspecteur des impôts et nous habitions la
ville depuis 3 ans. En 1957, à la naissance de ma fille, notre second enfant,
nous étions bien sûr embêtés par ce qui se passait, il y avait des attentats,
ponctuels, mais personne ne pensait que ça finirait comme ça, en tragédie»,
raconte à présent Huguette Husté, 81 ans, contrôleur des impôts retraitée.
Avant de s'interrompre, pour inspirer.
Car «c'est à vif», résume-t-elle soudain, devant le
monument. Politique de la terreur, spirale infernale du FLN et de l'OAS
poursuivant sa politique de la «terre brûlée»... Après le 19 mars et la
signature des accords d'Evian, les choses empirent en effet. L'armée française
reçoit la consigne de rester l'arme au pied. Mais l'ALN-FLN ne respecte pas ses
engagements: les exactions se multiplient. Le but? Répliquer à l'OAS et montrer
que «la valise ou le cercueil» ne sont pas des paroles en l'air. Et c'est à
Oran que la situation est la plus exacerbée, l'affrontement sans pitié entre
les deux camps face à face.
SINISTRE PETIT-LAC
Le 11 mai, Huguette Husté prend l'avion avec les
enfants,direction Hyères, où elle a de la famille. Fonctionnaire, Christian
reste. Il doit partir fin juin. Puis reporte au 5 juillet. Ce jour-là, il
charge la voiture familiale avec tout ce qu'il a pu sauver à bord d'un bateau
en partance pour Alicante. «La voiture est arrivée sans lui et en Espagne, tout
a été volé», poursuit Huguette. Christian ne réapparaîtra jamais...
«Il a été enlevé avec un de nos voisins, entre la maison de
mes parents et le port, puis sans doute exécuté au Petit-Lac, comme des
centaines d'Oranais ce jour-là. Un de ses collègues, lui, a pu être sauvé. Au
ministère des Finances, ils ont été éberlués. Le bruit a couru un temps que le
FLN faisait enlever des fonctionnaires de haut niveau pour faire tourner
l'administration après notre départ. On a parlé de camps.»
Huguette a écrit partout. Durant des années. «Dossier vide»,
lui a-t-on répondu. Depuis, la souffrance n'a jamais cessé. La colère non plus.
Le général Katz avait 18000 hommes en garnison à Oran, et ce jour-là, «il n'a
rien fait pour protéger les Français. Ceux qui ont été sauvés l'ont été par des
voisins, des amis arabes ou des officiers qui avaient désobéi aux ordres»,
résume-t-elle. Aujourd'hui ? «Je ne veux pas qu'on me plaigne, je veux
simplement qu'on reconnaisse cette tragédie des disparus».