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Série l'Algérie" c'était notre guerre"
Série l'Algérie" c'était notre guerre"
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Journal du mercredi 14 mars 2012
Journal du mercredi 14 mars 2012
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PUBLIÉ LE 14/03/2012 08:25 |
PIERRE CHALLIER
Médecin militaire, il a dénoncé la torture
Pour le docteur Gaubert, ancien résistant, « ces gens-là
étaient chez eux »/Photo DDM P. C.
« L'Algérie : c'était notre guerre ». Nous poursuivons notre
série de témoignage sur cette guerre cruelle qui s'est officiellement terminée
il y a 50 ans. Le Dr Yves Gaubert était chef de service à l'hôpital militaire
de Constantine. Ancien résistant et homme de convictions, il ne pouvait tolérer
les « dossiers de la boue ».
Son père était militaire, originaire du Lauragais, sa mère
de Philippeville, en Algérie. « Et moi je suis né au Maroc, le 8 avril 1921 »
commence le Dr Yves Gaubert. Dont la vie aura été une suite de choix, dictés
par sa conscience et son libre arbitre, au cœur de l'histoire.
« J'ai constaté sept cas de tortures sur des corps décédés,
une femme, cinq hommes, un adolescent, presqu'un enfant. à chaque fois je les
ai dénoncés dans un rapport. Il fallait que les responsables soient
sanctionnés. », se souvient ainsi l'ancien chef de service de l'hôpital
militaire de Constantine. Car pour lui, l'honneur de la France s'appellera
toujours « le général de Bollardière », le seul officier supérieur qui condamna
la torture en Algérie, comme confronté en 1944 aux atrocités nazies, il avait
acquis la conviction qu'elle était le propre des régimes totalitaires.
Conviction que n'a cessé de partager le Dr Gaubert. Lycée à
Revel puis faculté à Toulouse pour préparer l'entrée à l'école du service de
santé militaire de Lyon en 1941… comme tous les étudiants en médecine lyonnais,
il avait vu la gestapo investir et transformer leurs locaux en QG.
« Ma famille était pétainiste. En réaction et grâce à notre
professeur d'anatomie, le professeur Gabriel, j'ai rejoint la résistance, les
Francs tireurs partisans en 1942 » résume-t-il. Lorsqu'il reprendra sa médecine
à la Libération, ses « humanités » auront alors eu pour nom la lutte
clandestine puis le maquis du Vercors, l'Allemagne, l'Autriche. Et il aura fait
« une rencontre décisive » : « le père Varillon, grand théologien ». D'un idéal
de justice l'autre, de la rose au réséda, « je me suis converti au
catholicisme. »
1947… Il a maintenant bouclé ses études. « Médecin
lieutenant, je me suis alors retrouvé en Algérie pour ma première affectation.
Au départ, c'était une joie de revoir le pays de ma mère. Mais le mépris pour
les indigènes était insupportable. Un jour, je salue un vieil homme et
m'entends dire « vous n'allez pas dire bonjour à un bicot, tout de même ! ».
C'était très, très pénible. »
L'Indochine fera le reste. Toujours plus médecin que
soldat, il choisira de « trahir allègrement » en laissant des médicaments au Viêt-Cong.
Et s'en explique : « si j'avais obéi aux ordres, je ne serais jamais entré dans
la Résistance. Ces gens là aussi étaient chez eux. Il fallait leur foutre la
paix, on les avait assez exploités. En Algérie, c'était nous l'armée
d'occupation. Or, ce que je savais aussi, c'est qu'on ne pouvait pas gagner
contre des gens qui se battaient dans leur pays pour libérer leur pays… »
conclut-il.
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L'ours du secours
Chrétien militant, mais surnommé « l'ours » par ses
étudiants à la fac de médecine de Bordeaux, le Dr Yves Gaubert a assuré la
présidence du Secours Catholique des Hautes-Pyrénées durant 10 ans. L'occasion
de mesurer l'humiliation qui se poursuivait pour les anciens tirailleurs
algériens. Témoin cet homme qui, blessé pour la France en Indochine, n'arrivait
pas à faire renouveler sa carte d'identité faite à Alger… « Il a fallu que
j'aille moi-même m'en indigner à la préfecture » se souvient-il, inquiet des
dérives xénophobes qu'il constate quotidiennement dans la société française.
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PUBLIÉ LE 14/03/2012 08:26 |
RECUEILLI PAR P.C
Les pères ennemis d'Hélène et Mohamed
Militaire de carrière, votre père, Hélène Erlingsen, a été
tué par le FLN. Le vôtre, Mohamed Zerouki, était combattant du FLN et il est
aussi tombé, victime de cette guerre. Pourquoi avez-vous tenu à faire ce livre
ensemble ?
Nous avons tous les deux soufferts de cette guerre. Nous
avons grandi sans nos pères et avons dû nous construire à travers l'image de
héros morts en patriotes. Il faut bien expliquer que ceux qui se sont
combattus, quel que soit leur camp, ont été des victimes… Victimes des politiques
français de l'époque qui n'ont pas compris, après la seconde guerre mondiale,
qu'il fallait décoloniser et donner la liberté à tous ces peuples (vietnamiens,
africains, nord africains) qui avaient versé leur sang pour une France libre du
joug nazi… Au lieu de cela, l'État français s'est accroché à son empire et a
fait battre des petits pauvres contre des petits pauvres. Nos pères se
ressemblaient et venaient tous les deux d'un milieu paysan où l'honneur et la
dignité n'étaient pas un vain mot. Nous sommes sûrs, que s'il n'y avait pas eu
cette guerre, ils auraient pu être amis et se respecter. Ils étaient deux
soldats, face à face, qui se sont combattus. L'un pour l'indépendance de son
pays, l'Algérie. L'autre, pour remplir sa mission de soldat de l'armée française.
Pays qui avait sa constitution et pays des droits de l'homme.
50 ans après, que
signifient pour vous la guerre d'Algérie et les accords d'Evian ?
Hélène :
La guerre d'Algérie pour moi, c'est avant tout un grand
gâchis. Un énorme gâchis humain. Quant aux accords d'Evian, je suis partagée.
Oui, il fallait les signer pour une Algérie indépendante mais pas dans ces
conditions. Des Harkis ont été abandonnés ou accueillis comme des parias en
France et des Pieds noirs sont partis précipitamment vers la France, alors
qu'ils aimaient tant ce pays. Je me demande si l'État français aurait pu faire
pire, en matière de décolonisation.
Mohamed :
Cette guerre aurait pu être évitée si on avait pris au
sérieux nos revendications. J'étais un indigène en Algérie. Un sous-citoyen. Et
la France aurait dû se souvenir que, pendant la Résistance, un peuple qui veut
sa liberté, quel qu'en soit le prix humain, il l'obtient un jour. Quant aux
accords d'Evian, je tiens à préciser que dans ma famille et dans beaucoup de familles
algériennes, on faisait la différence entre l'État français et les Français… On
n'en voulait pas aux Français et encore moins aux Pieds Noirs. S'il y a eu des
débordements et des actions violentes contre eux, je sais que beaucoup
d'Algériens, les ont condamnées. Mon père, lui, il rêvait d'une Algérie
fraternelle.
Quelle leçon
devraient tirer aujourd'hui les Français
et les Algériens de ce conflit qui marque encore les relations entre les deux
pays ?
Qu'on ne bâtit rien dans la haine. S'il ne faut jamais
oublier, il faut savoir pardonner. Les héros d'antan sont fatigués.
Tendons-nous la main et transformons cette guerre qui aurait pu être évitée, en
une paix durable entre les Français et les Algériens. Pensons aux générations
futures qui méritent enfin un peu de paix, 50 ans après la fin de ce conflit.
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