le cinquantenaire page 13

Série l'Algérie" c'était notre guerre"

Journal du samedi 17 mars 2012

Philippe, pris entre tous les feux

PUBLIÉ LE 17/03/2012 07:58 |  PIERRE CHALLIER

Philippe, pris entre tous les feux


Sous-lieutenant de réserve, Philippe Delavallade était officier dans le cadre des SAS, les Sections Administratives Spécialisées, en Algérie. Un poste qui était particulièrement exposé…

 

Nous terminons aujourd'hui notre série de témoignages sur la guerre d'Algérie.

 

En 1960, Philippe Delavallade avait deux certitudes. « L'Algérie, c'est la France, parce que c'était l'état d'esprit de l'époque. Et comme la France y était militairement engagée, moi, je voulais « en être », je ne voulais pas être un planqué », explique aujourd'hui ce retraité de l'architecture.

 

Né à Lyon, le 4 octobre 1937, « dans un milieu bourgeois », en tant que jeune diplômé des travaux publics, on l'avait « mis d'office dans le génie militaire », mais à 24 ans et sursitaire, lui préféra donc se porter volontaire pour les affaires algériennes, les SAS. Dans cette Algérie dont « je ne connaissais rien », avoue-t-il.

 

Les SAS ? C'étaient les Sections Administratives Spécialisées. Organisation militaro-civile, sous l'autorité d'un préfet ou d'un sous-préfet, elles étaient chargées de la « pacification » mais avaient pour armes des médecins, des infirmières, des assistantes sociales et des instituteurs pour lutter contre la misère, l'analphabétisme dans les douars.

 

« Et cette approche était d'une efficacité totale puisque tous les chefs des SAS étaient condamnés à mort par le FLN » précise Philippe Delavallade. Qui, situation exceptionnelle pour un sous-lieutenant appelé, se retrouva donc « chef », à 24 ans, à Béni Boudouane, fief du bachaga Boualem, vice-président de l'Assemblée nationale, député symbole des musulmans favorables à la France, alors qu'habituellement, seuls les officiers d'active dirigeaient une SAS. « Dans ce secteur sensible, j'étais à l'écoute des populations et j'avais pour mission d'organiser l'aide médicale avec les médecins militaires et les médicaments disponibles », poursuit-il.

 

Gagner les cœurs pour gagner la guerre ? « Loin des grandes théories, pour nous, c'était d'abord assurer une présence permanente et faire en sorte que les choses aillent mieux pour tout le monde. J'ai monté une cantine pour les gosses qui venaient à l'école avec juste trois figues et une tomate, et puis, dans cet Ouarsenis ressemblant aux Alpes de Haute-Provence, j'ai trouvé des crédits pour retaper une piste. Partout j'ai été très bien accueilli. Mais il y avait de terribles archaïsmes dans cette société rurale, la condition des femmes, notamment », souligne l'ancien officier SAS. Qu'un officier OAS colla au mur, un matin, lorsque les commandos du colonel Gardes investirent Béni Boudouane « parce que j'avais dit à mes hommes de s'enfuir pour ne pas être mitraillés par l'aviation française. » Mais au final… « j'ai aussi été jeté par les gaullistes pour avoir dénoncé l'abandon des harkis et j'ai dû payer mon billet de retour en France » résume-t-il.

 

Ce qu'il veut alors retenir 50 ans après ? « La gentillesse des Arabes » plutôt que l'accueil de la métropole : « Appelés, on avait tout fait pour aider les gens et en rentrant, on était traités de fascistes par la propagande gaulliste… Détestable. »

 

Il a voulu sauver ses hommes


Les Mozghanis étaient les supplétifs musulmans chargés de la protection des SAS. Ils ont partagé le sort des Harkis. « De Gaulle voulait se débarrasser de l'Algérie à n'importe quel prix et n'importe comment et les Harkis faisaient partie du lot. D'abord, les ordres sont arrivés de ne plus leur donner que 5 cartouches. Puis, de reprendre leurs armes. C'était clair, vue la situation, Paris voulait absolument les faire zigouiller et c'était ignoble d'organiser sciemment les conditions de l'assassinat de ces pauvres gars. ça m'a pris 6 mois et toutes mes économies, mais j'ai pu ramener 9 de mes Mozghanis en France, dans le Gers. à partir de là, j'ai été considéré comme un mauvais Français qui agissait contre la conception « humanitaire » de « Mongénéral » se souvient Philippe Delavallade.

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