Philippe, pris entre tous les feux
Sous-lieutenant de réserve, Philippe Delavallade était
officier dans le cadre des SAS, les Sections Administratives Spécialisées, en
Algérie. Un poste qui était particulièrement exposé…
Nous terminons aujourd'hui notre série de témoignages sur la
guerre d'Algérie.
En 1960, Philippe Delavallade avait deux certitudes. «
L'Algérie, c'est la France, parce que c'était l'état d'esprit de l'époque. Et
comme la France y était militairement engagée, moi, je voulais « en être », je
ne voulais pas être un planqué », explique aujourd'hui ce retraité de
l'architecture.
Né à Lyon, le 4 octobre 1937, « dans un milieu bourgeois »,
en tant que jeune diplômé des travaux publics, on l'avait « mis d'office dans
le génie militaire », mais à 24 ans et sursitaire, lui préféra donc se porter
volontaire pour les affaires algériennes, les SAS. Dans cette Algérie dont « je
ne connaissais rien », avoue-t-il.
Les SAS ? C'étaient les Sections Administratives
Spécialisées. Organisation militaro-civile, sous l'autorité d'un préfet ou d'un
sous-préfet, elles étaient chargées de la « pacification » mais avaient pour
armes des médecins, des infirmières, des assistantes sociales et des
instituteurs pour lutter contre la misère, l'analphabétisme dans les douars.
« Et cette approche était d'une efficacité totale puisque
tous les chefs des SAS étaient condamnés à mort par le FLN » précise Philippe
Delavallade. Qui, situation exceptionnelle pour un sous-lieutenant appelé, se
retrouva donc « chef », à 24 ans, à Béni Boudouane, fief du bachaga Boualem,
vice-président de l'Assemblée nationale, député symbole des musulmans
favorables à la France, alors qu'habituellement, seuls les officiers d'active
dirigeaient une SAS. « Dans ce secteur sensible, j'étais à l'écoute des
populations et j'avais pour mission d'organiser l'aide médicale avec les
médecins militaires et les médicaments disponibles », poursuit-il.
Gagner les cœurs pour gagner la guerre ? « Loin des grandes
théories, pour nous, c'était d'abord assurer une présence permanente et faire
en sorte que les choses aillent mieux pour tout le monde. J'ai monté une
cantine pour les gosses qui venaient à l'école avec juste trois figues et une
tomate, et puis, dans cet Ouarsenis ressemblant aux Alpes de Haute-Provence,
j'ai trouvé des crédits pour retaper une piste. Partout j'ai été très bien
accueilli. Mais il y avait de terribles archaïsmes dans cette société rurale,
la condition des femmes, notamment », souligne l'ancien officier SAS. Qu'un
officier OAS colla au mur, un matin, lorsque les commandos du colonel Gardes
investirent Béni Boudouane « parce que j'avais dit à mes hommes de s'enfuir
pour ne pas être mitraillés par l'aviation française. » Mais au final… « j'ai
aussi été jeté par les gaullistes pour avoir dénoncé l'abandon des harkis et
j'ai dû payer mon billet de retour en France » résume-t-il.
Ce qu'il veut alors retenir 50 ans après ? « La
gentillesse des Arabes » plutôt que l'accueil de la métropole : « Appelés, on
avait tout fait pour aider les gens et en rentrant, on était traités de fascistes
par la propagande gaulliste… Détestable. »